Le véhicule électrique n’est pas une solution, il fait tourner les centrales et accroit notre dépendance au nucléaire…

Le chanvre est une plante aux multiples applications. Outre son utilisation dans le textile, le papier, le plastique ou l’alimentation, de nouveaux projets viennent placer le chanvre dans une catégorie où on ne l’attendait pas forcément : les biocarburants.

Des chercheurs de l’université du Connecticut ont montré en 2010, que le chanvre industriel présentait les qualités nécessaires pour être « viable » et même « attrayant » pour la production de biodiesel. « Le biodiesel de chanvre a montré une efficacité de conversion élevée – 97 % de l’ huile de chanvre a été convertie en biodiesel – et il a passé tous les tests de laboratoire, montrant même des propriétés qui laissent à penser qu’il pourrait être utilisé à des températures plus basses que tout le biodiesel actuellement sur le marché », notaient les chercheurs. Mais les surfaces cultivées aux Etats-Unis étaient alors quasiment inexistantes. La réglementation fédérale assimilait le chanvre, comme le cannabis, à une substance contrôlée. Le prix de ce biocarburant était donc trop élevé pour en faire un biocarburant compétitif.

Les nouvelles législations aux Etats-Unis entraînent un regain d’intérêt pour cette technologie. La Loi agricole sur le chanvre industriel de 2015 a par ailleurs permis aux agriculteurs américains de cultiver du chanvre. Plusieurs Etats d’Amérique du Nord autorisent désormais la culture du chanvre industriel. En 2016, une trentaine d’Etats ont mis en place de telles lois. C’est ainsi qu’Hawaii cherche à approfondir les tests sur la viabilité du chanvre industriel en tant que biocarburant, dans le cadre d’un projet pilote de deux ans commencé en 2014 . « Les usines de biodiesel existantes dans l’Etat pourraient permettre d’assurer 8 % des besoins en biodiesel de l’état pour le transport terrestre. Ces usines de biodiesel pourraient accroître leur efficacité en utilisant du chanvre industriel comme matière première réduisant ainsi la dépendance de l’Etat à l’importation de carburant », avance le texte de loi.

Les changements climatiques ont des répercussions de plus en plus évidentes et désastreuses sur notre fragile planète. Incontestablement, les combustibles fossiles sont les plus importants agents de réchauffement, et la course est lancée pour trouver des solutions de rechange durables à ces ressources limitées qui vont en s’amenuisant. Les biocarburants pourraient faire partie de la solution ! Cultiver du chanvre est moins polluant que le maïs, le soja, le colza, ou encore le palmier à huile. La culture de chanvre demande notamment beaucoup moins d’eau, d’engrais et de pesticides que les autres sources de biocarburants. Avec un cycle de vie rapide d’environ 5 mois, la plante a un pouvoir couvrant qui fait d’elle une plante nettoyante et structurante. Sa hauteur peut atteindre jusqu’à 5 mètres. Elle étouffe ainsi les « mauvaises herbes » et laisse à la récolte une parcelle propre. Ne nécessitant pas d’irrigation, elle améliore la structure du sol grâce à ses racines ramifiées et profondes.

Biodiesel et éthanol

Il existe deux types de biocarburants : le biodiesel et l’éthanol. L’éthanol est fabriqué à partir de céréales (maïs, orge, blé), de plantes sucrières (canne à sucre) et de débris végétaux non comestibles. Il est fréquemment utilisé comme biocarburant, mais généralement, il est mélangé avec l’essence. Les véhicules à essence peuvent être alimentés d’un mélange de carburants contenant jusqu’à 10 % d’éthanol ; les véhicules polycarburants peuvent fonctionner avec un mélange contenant jusqu’à 80 % d’éthanol. Au Brésil, où d’importantes quantités de canne à sucre sont cultivées pour la fabrication de biocarburants, certaines voitures fonctionnent entièrement à l’éthanol.

Le biodiesel est obtenu à partir d’huile végétale ou de gras animal raffinés, généralement des huiles végétales, et de méthanol. On ajoute souvent au diesel régulier du biodiesel dans une proportion de 80 % / 20 % respectivement, mais certains mélanges peuvent contenir de 2 à 100 % de biodiesel. L’avantage pratique du biodiesel est que tout véhicule diesel peut en être alimenté.

Le chanvre, s’il était cultivé en tant que matière première, pourrait entrer dans la fabrication des deux types de biocarburants. La teneur en huile des graines de chanvre se situe entre 30 et 35 % du poids total de la graine, ce qui lui confère un rendement de 207 gallons par hectare. Son rendement est considérablement moindre lorsque comparé à l’huile de palme et de noix de coco, mais représente tout de même le double de celui du colza, de l’arachide, du tournesol, et le quadruple du soja. Les débris végétaux peuvent par ailleurs être utilisés pour fabriquer de l’éthanol dans un procédé de fermentation dans des conditions faibles en oxygène.

Problème de l’utilisation des terres

Les matières premières les plus utilisées pour fabriquer des biocarburants sont le soja et le maïs (Etats-Unis), la canne à sucre (Amérique du Sud), l’huile de palme (Asie de l’Est et du Sud-Est) et le colza (Europe). Toutes ces cultures nécessitent de vastes étendues de terre fertile. La production d’huile de palme est responsable de la destruction massive de la forêt tropicale ; la déforestation est alarmante et atteint un taux encore jamais vu, à l’échelle de la planète. La perte d’habitats qu’elle entraîne met en danger la survie d’un grand nombre d’espèces (comme l’orang-outan) déjà menacées. Ces matières premières cultivées sur des terres arables viennent remplacer les cultures destinées à la consommation humaine, ce qui fait monter les prix de la nourriture à un point tel qu’elle devient inaccessible aux personnes les plus défavorisées. De plus, la culture de matières premières entraîne une « déforestation secondaire » puisque plus de terres doivent être cultivées afin de produire de la nourriture. Les cibles en matière de biocarburants que se sont fixées les gouvernements à l’échelle de la planète favorisent les changements climatiques et nuisent à l’approvisionnement alimentaire, et ce sont les nations en développement, et non celles qui prospèrent, qui en subissent les conséquences directes.

Le chanvre a l’avantage de pouvoir pousser dans des sols moins fertiles et sur des terres dites marginales, c’est-à-dire, qui ne sont pas des champs. Cependant, ce n’est que sous des conditions optimales, dans des sols fertiles, que le chanvre produira le plus de graines. Si on devait se tourner vers le chanvre en tant que matière première pour la production de biocarburants, il est fort probable qu’on le cultiverait sur des sols arables, comme toutes les autres cultures utilisées à cet effet, ce qui entraînerait les mêmes conséquences sur le prix de la nourriture.

L’utilisation des terres marginales cause aussi d’autres problèmes puisque d’abord, elles abritent des espèces qui font partie intégrante de l’écosystème. Ensuite, les terres marginales sont de par leur nature difficilement accessibles. On ne peut ignorer le fait que la culture, la récolte et le transport du produit récolté à des usines de biocarburants ne sont pas des activités facilement réalisables sur les terres marginales. En outre, la récolte et le transport sont deux activités dépendantes des combustibles fossiles, donc, qui génèrent du CO2. Ce facteur doit être pris en compte dans la détermination du potentiel du chanvre de représenter une culture neutre en carbone. En fait, ce facteur doit être considéré pour toute culture de matières premières, et non seulement celles du chanvre effectuées sur des terres marginales. Labourer, semer, récolter, transporter et traiter les matières premières engendrent des « coûts de carbone » plus importants que ceux entraînés par la production de combustibles fossiles.

Bien que l’utilisation de biocarburant fait de chanvre dans tous les véhicules motorisés ne règlerait pas la crise énergétique ni ne ralentirait les changements climatiques, il existe tout de même une application à petite échelle qui pourrait être avantageuse. Si les agriculteurs étaient en mesure de cultiver et de traiter le chanvre sur place afin de fabriquer le biocarburant pour leurs véhicules et machineries agricoles, ils accompliraient une « boucle » d’autosuffisance énergétique et pourraient considérablement réduire leur empreinte carbone et mettre fin à leur dépendance aux combustibles fossiles. Le chanvre pourrait être intégré dans la rotation des cultures vivrières, amoindrissant ainsi les conséquences sur le prix des aliments et réduisant l’utilisation de combustibles fossiles. Il faut aussi souligner le fait que la culture de chanvre offre un produit qui comble un « marché niche », et qu’ainsi, elle n’engendre pas la même dépendance que la culture du maïs, par exemple. Pour l’instant, il n’est pas encore assez rentable de le cultiver à grande échelle pour la production de biocarburants.

L’utilisation de l’eau

Il est aussi très important de considérer la question de la fertilisation lorsque l’on examine la pertinence de se tourner vers les biocarburants. Ces fertilisants sont obtenus à partir des nitrates dérivés de pétrole et de gaz – oui, des combustibles fossiles – à l’aide du procédé énergivore Haber-Bosch qui permet de synthétiser de l’ammoniac, substance qui sert à créer des engrais azotés. Ces engrais, une fois déversés sur les sols, ne sont pas inertes. Ils se font lessiver pour se retrouver dans les cours d’eau où ils perturbent les écosystèmes, tuent les poissons et polluent les réserves d’eau potable ; ils se retrouvent aussi dans l’atmosphère sous forme d’oxyde nitreux – un gaz à effet de serre beaucoup plus puissant que le dioxyde de carbone – ou sous forme d’oxydes d’azote (NO et NO2), composés chimiques qui contribuent à la présence d’ozone au sol (un autre problème pour la santé

Le chanvre nécessite sensiblement le même degré de fertilité du sol que le maïs pour croitre sainement. Cependant, environ 70 % des nutriments qu’il absorbe seront retournés au sol pendant ou après son cycle de croissance (1), ce qui réduit drastiquement les besoins en fertilisation à long terme. Cela représente un avantage certain du chanvre par rapport aux autres matières premières destinées à la fabrication de biocarburant.

La même chose peut être dite au sujet de ses besoins en eau. Un des principaux problèmes avec les biocarburants est que leur production exige encore plus d’eau que celle des combustibles fossiles, environ 48 fois plus. Le chanvre requiert autour de 30 à 40 cm (12 à 15 po) d’eau d’irrigation ou de précipitations durant une saison pour produire une bonne récolte ; le maïs en demande 54 cm (22 po).

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